Yamaha YZF R1 2011
(Ou comment je me suis fait dépuceler de la grosse sportive)
Bonjour chers amis ! C'est un homme nouveau qui s'adresse à vous. Un motard qui a foulé une Terre nouvelle. Un être humain qui s'est accompli grâce à la fureur mécanique et la folie des hommes. Je n'ai désormais plus honte de parler en ces lieux, j'ai le sentiment d'avoir effleuré le Saint Graal du bout des doigts. C'était à la fois une expérience enrichissante et ô combien bouleversante. Aussi, mes bien chers frères, mes biens chères soeurs, je vais scinder mon expérience en deux parties afin de vous faire part au maximum de mes impressions sur le test de la Yamaha R1.
Oui c'est beau. Faites gaffe à pas en foutre partout sur vos claviers, ça colle et c'est dur à nettoyer. Partie 1 : La félicité motardesque
C'est à peine si j'entends les anges chanter lorsque je ressors de la concession avec en main la clé de voûte de la Yamaha R1, la pièce qui va réveiller le quatuor d'orgue Crossplane dans toute la beauté de sa symphonie. J'insère la clé dans le neimann, tel l'Archange Gabriel qui jadis s'approcha de Marie afin de lui insérer sa...enfin vous avez saisi mon point de vue.
Et tac ! La clé qui va ouvrir l'antichambre de l'enfer motorisé ! Le moteur s'ébroue, et chauffe prestement, déja pressé de me coller une honte éternelle, moi le novice des sprotives de gros calibre. C'est avec une certaine émotion que je grimpe sur la R1. Déja, la moto m'impose se position de conduite cassée en avant, si typique.
Philosophe, je prends ça comme un rite initiatique, une sorte de baptême par lequel l'ignorant que je suis peut prétendre à chevaucher la madone des motos sans se mettre un volume à la première courbe venue. L'assise est bonne, les commandes fonctionnelles, et je m'apercevrai plus tard que le vent permet de soulager le buste et les lombaires qui sont mises à mal à basse vitesse. La bulle me semble très petite, mais c'est sans doute pour mieux faire pénitence quand on accroche des vitesses élevées. Moi, le pauvre pêcheur, m'engage enfin sur des routes dégagées, bercé par le ronron bienveillant du 4 cylindres en ligne dont la sonorité évoque le Sacro-saint 4 cylindres en V, loué soit Son illustre nom.
Tout en rondeurs, l'avant de la R1 surprend par sa douceur. La machine est vraiment plaisante à détailler, mais même pour une meule à 15.000€, elle se permet de rester sobre et classe, évitant ainsi l'écueil d'une débauche d'appendices que seuls les kékés aiment. L'esthétique de la R1 est tout ce qu'on peut attendre d'une sportive : racée, ramassée, agressive. Pour autant, avec les doubles optiques avant et la rondeur globale des lignes de la Yamaha on est loin des standards acérés de chez Kawasaki, par exemple. A chacun son style, mais même si je préférais l'ancienne R1 avec ses 4 feux avant, force est de constater que ce modèle demeure un superbe objet : le carénage, cadre, moteur et bras oscillant possèdent une finition impeccable. L'arrière, avec son feu triangulaire intégré entre les deux pots termine de marquer l'identité de la moto.
On aime ou on déteste le style de la R1, qui est l'une des dernières à conserver la double sortie sous la selle. La sonorité est avenante, pas trop présente, un bon point. La moindre rotation des gaz à l'arrêt pour écouter le chant du moteur est un délice pour l'amateur de belle mécanique : imaginez un V4 couplé à un bruit de turbine propre aux 3 cylindres et vous aurez une idée de la joie de votre serviteur au moment de faire les photos ! Mes bien chers frères et soeurs, j'en ai vraiment eu pour mon argent. Pour un baptême du feu, ça a failli se finir par une extrême onction ! A chaque mouvement du poignet droit sur le Saint Accélérateur, la moto se propulse à des vitesses à 3 chiffres aussi facilement que le curé passe dans les rangs pour faire la quête. Incroyable. La fougue de la machine, sa façon de monter dans les tours, le paysage qui tournoie autour de vous alors que tout va de plus en plus vite ! Le tout accompagné du bruit enchanteur des sorties d'échappement qui brusquent la tranquillité de l'arrière pays Tourangeau.
Les portions que j'ai emprunté ne se prêtaient pas à foncer comme un dahut. Le revêtement était bon, mais sans être un billard. Pour autant la qualité des suspensions de la Yamaha m'ont fait penser à ce qui équipe la FZ8. Sur la R1 elles sont moins souples mais tout aussi efficaces car, de pair avec la position de conduite, on sent bien vivre le train avant et il est quasiment impossible de se mettre en danger sur une erreur d'appréciation de la qualité de revêtement. J'avoue ne pas avoir pris trop d'angle (chèque de caution oblige) mais la stabilité de la moto et son envie de se jeter dans les courbes les plus larges m'ont définitivement mis en confiance. Je me suis régalé comme jamais sur des virages longs et ouverts que j'ai pris à des vitesses innomables. D'ailleurs l'ami qui me suivait m'a confié "Ben dis donc, tu t'es fait plaisir, impossible de te suivre !" Je n'en retire aucune gloire personnelle car c'est bel et bien la machine qui autorise de se lâcher comme cela. La force motrice dont elle fait preuve, et la posture de conduite m'ont fait comprendre pourquoi certains motards ressentent le besoin de poser le genou en courbe : naturellement je me suis rendu compte que j'avais le bassin qui voulait se désaxer et plonger dans la courbe en même temps que j'épousais d'autres courbes, celles de la divine R1. (oui je sais, c'est beau)
Le carénage enveloppe bien, s'avère efficace, ainsi que la bulle. Dommage qu'il faille être à plus de 160 km/h pour profiter de l'aérodynamisme exemplaire de la machine :/ En termes de caractère, le moteur de la R1 ne m'a pas impressionné. Le calage Crossplane dont les ingénieurs Yamaha sont fiers développe une rondeur et une souplesse agréable quand on tape dedans mais ne possède pas de paliers de puissance ou la machine se transforme radicalement. Pour être franc avec vous j'ai surtout été sur la défensive lors de l'essai car je ne voulais pas me retrouver à 300 dans un gauche qui se referme. Malgré tout, la moto tracte avec une puissance démentielle jusqu'à la zone rouge, située à 14.000 tours minutes. Sachant que je balisais à partir de 7.000 et que je m'en remettais à ma bonne étoile au dessus de 10.000 je vous laisse imaginer le sentiment d'incompétence qui était mien
Le test a duré plus d'une heure et je crois que j'ai créé une nouvelle légende sur les routes entre Esvres, Cormery et Montbazon. En effet les riverains ont dû entendre passer le fracas d'un véhicule avec un pilote débile qui passait son temps à rire. La moto-qui-rigole-bêtement, comme je me suis amusé à l'analyser après mon essai
A chaque fois que j'ouvrais, le sentiment de puissance qui débarque et qui catapulte la Yam' d'un virage à l'autre est complètement jouissif. Pourtant, je ne peux m'empêcher d'émettre quelques réserves sur tout le fun que j'ai pu avoir lors de cet essai.
Partie 2 : Les doutes abyssaux du motardus simplex
Premier constat d'échec qui m'a habité durant l'essai : cette moto c'est du grand n'importe quoi. Je me suis éclaté comme un petit fou, mais franchement, si tu n'as pas un circuit près de chez toi, comment peux-tu avoir le sentiment d'exploiter ta machine jusqu'au bout ? Je tiens vraiment à modérer mes dires, car la R1 est un fleuron de la production motocycliste actuelle, et en plus de cela c'est un objet superbe, l'incarnation même de la passion.
C'est un concentré de démence, de puissance et de fureur, qui ne demande qu'à procurer à son pilote des sensations fantastiques.
C'est bien là ou le bât blesse à mes yeux : je suis un passionné mais probablement trop "vert" pour apprécier à sa juste valeur un tel monstre. Je me considère comme un simple conducteur qui aime bien taper dedans de temps à autres, mais en aucun cas je ne me suis dit "putain de bordel il me FAUT cette machine". C'est juste trop pour moi. La position de conduite, l'angle de braquage risible, l'impossibilité de rester aux allures légales...à aucun moment du test je n'ai passé la 4ème. Je lisais sur internet que pour exploiter une grosse sportive il fallait être expérimenté, mais que même dans ce cas de figure, les 3 derniers rapports ne servaient pas vraiment. Je suis parfaitement d'accord avec cette analyse.
Qui plus est les 3 cartographies d'injection sont amusantes, mais pas forcément bien utiles moto bridée je pense. Par défaut la R1 était en mode "STD" c'est à dire normale avec une réponse de gaz souple et puissante. Largement assez pour se faire peur, mais j'ai voulu essayer les deux autres modes. Le mode "B" réduit considérablement la puissance pour s'accomoder de conditions météo défavorables. Le mode "A" comme "Apocalyptique" rend la moto encore plus folle qu'elle ne l'était déjà. En ville je me suis fait secouer comme pas permis par une injection hésitante qui ne demandait qu'à monter dans les tours. C'est comme si la moto te donnait l'ordre de lui taper dedans et de mettre à mal ton permis et ta santé. Un truc de furieux. Je suis bien vite revenu au mode "STD" pour calmer tout ça, mais nul doute que les givrés du caisson aimeront se faire brusquer par le mode A quand il auront envie de pourrir tout ce qui roule.
Le compteur. Proéminence du compte-tours, tout le reste est fonctionnel et efficace. Le shift-light était désactivé lors de mon test, à moins qu'il ne se déclenche qu'au rupteur. (je ne suis pas allé jusque là) Affichage du rapport engagé bien visible, pas de jauge de carburant, indicateur de cartographie assez discret. A gauche du sigle "R1" se trouve l'angle d'ouverture des papillons de gaz : plus tu tournes la poignée droite et plus la jauge se remplit, de gauche vers la droite. En pleine bourre c'est à peine si j'ai dû remplir cette jauge aux trois-quarts...quand je vous dis que j'étais à la rue ! Même si la moto était bridée, j'ai pu avoir un aperçu de son potentiel. Avec mon pote on a trouvé une belle ligne droite déserte et pour ne pas rendre la moto sans avoir essayé de la pousser dignement, je lui ai fait signe que j'allais faire des aller-retours à fond.
Le résultat a été à la hauteur de mes espérances, mais a failli avoir raison de l'intégrité de mon slip. En ouvrant pleine balle je sentais le protège-nez de mon casque qui se cognait contre mon visage, tant la pression du vent était forte.
Première jusqu'à 9.000 tr/min, puis seconde jusqu'à 12.000 tr/min, puis troisième jusqu'à ce que rende la main, de trouille mais aussi parce que j'étais à 240 km/h et que la ligne droite était finie. Faut pas rester là, monsieur, faut freiner maintenant !
L'endroit où je me suis arrêté pour faire les photos n'était autre qu'une authentique maison poulaga ! Je vous jure que j'ai pas fait exprès ! Ah ouais, la R1 freine bien. Elle est stable et même le frein arrière est utile est dosable. Je vais sûrement passer pour un mec blasé car j'ai eu la chance de tester une pure sprotive gratuitement, mais la R1 ne correspond vraiment pas à mon idéal moto. C'est too much. Je préfèrerai toujours avoir une machine moins costaude mais plus apte à rouler au quotidien et qui me forcera à me sortir les doigts du fion lors d'arsouille avec des fins guidons. Avec le R1 tu peux rouler au quotidien, tu peux arsouiller, tu peux l'exploiter si tu es bon. Mais ce n'est pas mon cas, et à l'heure actuelle acheter ce genre de machine serait comme sortir avec un top modèle et se contenter de lui faire un massage des pieds tous les soirs, une fois au pieu. Tu possèdes un objet de rêve, un fantasme qui te donne l'impression d'appartenir à l'élite des tarmos, mais perso je me suis senti complètement largué sur la Yamaha : c'est cette impression de ne pas m'en servir à la hauteur de son potentiel qui m'a vraiment frustré quand j'ai rendu les clefs. Déja que sur le Hornet des fois je me sens limite alors là vous imaginez :p
Aïe mon dos. Pour vérifier qu'ils fabriquaient des boîtes 6, j'ai passé la 4-5-6ème à peine 2km avant de rendre la machine, juste pour m'assurer qu'elles existaient. J'ai dû passer 80% de l'essai en 2nde tant il était inutile de changer de rapport vu les routes que j'empruntais et les allures de cinglé auxquelles je bourrais.
Donc voilà, heureux d'avoir conduit un gros mille sportif, content d'en être revenu entier, content d'avoir tapé dedans pour essayer. Un peu déçu par l'inaccessibilité d'une telle machine, mon manque de maîtrise, et surtout déçu par les constructeurs qui arrivent à refourguer des motos pareilles à des jeunes permis. Jouer sur l'image motoGP c'est bien, mais si moi qui ai presque 3 ans de permis, un accident, roulé par tous temps et qui essaie de rester humble au guidon je me suis chié dessus, j'ose même pas imaginer ce que ça doit donner pour le débutant qui s'achète ça comme 1ère moto !
La R1 c'est le prix de la passion, l'impression de devoir gérer constamment ses pulsions pour pas se foutre en l'air, tout en étant en relation avec un monstre mécanique. C'est une sacrée expérience, mais pour le moment je préfère vivre ma passion à mon niveau : avec une moto plus raisonnable, afin d'en profiter longtemps encore !