Il est étonnant d'apprendre que plusieurs vedettes de la piste ont dans leur garage une bécane taillée comme un croissant SNCF avec un moulin de 25CV en furie, ou qu'interrogés sur le sujet, de nombreux formateurs et maîtres es-pilotage présentent cette discipline assez peu médiatisée comme le socle de l'apprentissage de toutes les formes de pratique moto.
Aujourd'hui, si les leaders mondiaux faisant le show lors du Trial Indoor de Bercy en ont laissé pantois plus d'un, leurs prestations accusent le gouffre qui sépare le motard moyen de leur maîtrise. Car on est loin des "années TY" et de la génération des champions du monde français Gilles BURGAT et Thierry MICHAUD. Pourtant, il y a beaucoup à apprendre d'une simple pratique de loisir.
Là ou le spectateur d'une épreuve régionale ne voit qu'une séquence d'équilibres statiques, la moindre zone (tronçon de parcours où le pilote est suivi et noté - suivant un barème de pénalités sur le temps et les fautes - par un commissaire) est le siège d'une démarche bien plus complexe de chaque pilote.
Au début est l'observation du terrain qui se fait à pied et dure plusieurs minutes.
Lors de cette reconnaissance, le pilote imagine l'adhérence dont il disposera pour passer un maximum de puissance au sol pour escalader ou sauter les obstacles que le traceur a mis un malin plaisir à amener sur sa trajectoire, il anticipe le dosage des gaz et les positions dans lesquelles il lui faudra actionner ses commandes, roues au sol ou roues en l'air, en montée ou en descente, en roulant ou en dérapant dans la pente, ses freins se bloquant et se relâchant constamment.
Un fois la zone franchie et sa stratégie sanctionnée par le pointage du "marshall" de la zone, il lui faudra mettre du gaz en ralliant au plus vite la zone suivante - sans se perdre ni endommager sa machine - pour rattraper le temps perdu par rapport à la moyenne imposée, et cela sur quelques dizaines ou plusieurs centaines de kilomètres de terrains variés pour l'épreuve la plus longue, les SSDT.
C'est éprouvant, mais pas autant que la mise à l'épreuve des capacités d'adaptation et de concentration demandées par l'enchainement de séquences de pilotages aussi différentes que le mono-roue et le cyclisme sur route !
Exemple avec l'observation d'un geste de base du trial moderne : le jump sans appel (appel = appui sur une forme faisant tremplin) qui permet tout aussi bien à un pilote expert de sauter d'un bloc à l'autre comme une grenouille ou de bondir à l'assaut d'un mur de plusieurs mètres comme un félin
Observez bien sur la séquence de photos ci-après comment le pilote utilise son corps en opposition avec les mouvements de la machine : les suspensions mais aussi le cadre et les pneumatiques se détendent, sont contraints puis vivement détendus avec une plus grande amplitude, jusqu'à faire bondir en l'air pilote et moto, à la manière d'un basketteur driblant avec son ballon.
Moins visible est le jeu de la poignée de gaz : moteur débrayé, le régime monte jusque près du rupteur durant un court moment où la machine est soulagée par un fléchissement rapide des jambes et un relâchement de bras, le corps "tombant" durant une fraction de seconde vers la moto.
Puis, juste avant de percuter la selle, le pilote gaine ses muscles, stoppant brutalement sa "chute" en appliquant ainsi toute son "inertie" (quantité de mouvement serait plus juste) sur la machine, machine qu'il écrase jusqu'à presque talonner les suspensions et mettre à plat les pneus faiblement gonflés (pour une surface de contact maximale avec le relief) alors qu'il... lâche l'embrayage
- Notez alors l'accélération verticale atteinte = 2.5 G
Cela signifie qu'à cet instant le pilote "pèse" 2.5 fois le poids de son corps, une charge instantanée que ses jambes et ses vertèbres lombaires encaissent pendant un laps de temps heureusement très court !
Puis c'est... décollage !
Imaginez maintenant reproduire ce geste des dizaines de fois par heure tout en préservant souplesse et lucidité, pour conserver le "toucher de velours" nécessaire sur les commandes pour ne pas perdre l'adhérence sur des surfaces glissantes comme du talc
Alors, vous ne verrez plus jamais les trialistes roulant debout comme de "fragiles danseuses évoluant en collants moule burnes"... ou "casse-noisettes" pour les filles