Je sais bien que c'est pas une machine pour moi...
Je suis comme tout le monde, j'aime la moto pour diverses raisons, que j'ai pu expliquer un peu
sur ce topic...
Mais comme pour toutes les choses pour lesquelles je me passionne, je m'y lance à fond, sans demi-mesure, et la moto est devenue pour moi une sorte de drogue...
Donc je roule beaucoup et souvent.
Et c'est délicat pour moi de monter sur une bécane comme le T301, car c'est pas une moto pour faire 30 000 bornes à l'année. Pas qu'elle en soit incapable, au contraire, mais je crois que c'est dommage de flinguer une usine à gaz comme ça en l'espace de 3 ou 4 ans...!
Je peux pas me retenir de rouler comme le fait Martin, je n'arrive pas à faire rimer "moto" avec "évènement rare"... J'ai besoin de rouler quoi...!!
Mais je dois avouer que ce modèle est un truc de fou...!
Grâce à Martin, j'ai eu l'honneur et le plaisir de faire quelques kilomètres avec sa bestiole Anglaise, et je l'en remercie mille fois.
J'ai toujours aimé cette moto, car lorsque j'étais tout petit, un collègue de mon père possédait ce modèle, et j'en garde un souvenir impérissable... Je me souviens en particulier que la musique des échappements m'avait complètement chamboulé : à la fois intrigué et terrifié...!!
Bref, voilà comment j'ai vécu cet essai...!
Je suis arrivé chez Martin en fin de journée après 10 heures de route depuis Genève, et à peine rentré dans la cour, je lui propose un tour de Versys, histoire qu'il profite d'un moteur bien chaud...!
A brûle pourpoint, il me propose lui aussi de monter sur sa machine...
J'hésite un moment, mais comment refuser...??
Alors Martin sort le monstre du garage, et c'est le cérémonial du démarrage...!
Ah bah c'est une Anglaise hein... Le moteur part au quart de tour, mais on sent qu'il n'est pas dans son assiette. Il lui faut le temps de tousser, de chasser la poussière des cornets, de faire couler l'huile dans ses veines...
Faut qu'il se réveille quoi...!
Après moults réglages subtils, alchimie entre ralenti, vis de richesse, jeu sur la poignée de gaz, caresses en tous genres, le moulin finit par tourner rond... On entend clairement les rouages de bon gros métal, et lorsqu'on pose la main sur la selle, on sent comme un coeur qui bat, calmement, dans un murmure presque discret des échappements.
Rien qu'à l'entendre, ça fait envie... La machine fait de petits soubressauts, comme si elle parlait...
Une dame, ça se chauffe...!!
Martin enfourche sa ferraille et me propose de le suivre quelques kilomètres pour mettre le moteur à température.
On décolle tout doucement, je le suis en Versys et profite du feulement discret de l'échappement du gros trois pattes.
C'est nickel, Martin me chauffe la bête et les pneux, comme un vendeur attentionné avant un essai d'hypersport sur circuit... Clignotant, arrêt et point mort...! C'est bizarre, je sens mon coeur qui s'accélère... C'est mon tour...!
Je suis un peu intimidé...
La moto est basse, elle parait menue et ramassée, trapue... Nan, elle ne parait pas, elle est trapue...!
Je m'installe au poste de pilotage...
Bon Dieu, quelle curiosité...! Quelle impression bizarre...!
C'est pas une moto, c'est une bête... Le réservoir est très large, l'assise est ferme mais confortable, les commandes aux pieds sont très reculées, et lorsque je pose mes mains sur les bracelets, j'ai l'impression d'être couché sur le bidon d'essence... Un peu comme une sportive, mais moins radical quand-même... C'est très impressionnant, mais excitant en même temps, et j'ai tout de suite envie de passer la première...!
Martin passe devant avec le Versys, et zou, on y va.
Ah ben le demi-tour, c'est pas comme ma Kawa hein...! Je sens tout de suite que c'est une machine qui demande une attention de tous les instants. Il faut être concentré car ça tourne pas facilement, faut lui forcer la main.
Puis je roule pépère, très bas dans les tours pour parfaire le chauffage du moteur et pour apprivoiser le bestiau...
Et là, même au ralenti, c'est la magie...!!
Le moteur est extrêmement souple, les commandes sont très agréables, la boite est sèche mais précise, et le son de l'échappement respire la puissance même s'il reste discret. Comment dire...? C'est un bruit profond qui mélange la grosse caisse et la guitare saturée... Une espèce de slap violent à la basse... Un mélange gras et rauque qui évolue à chaque millimètre de rotation de la poignée de gaz... Très agréable.
Nous faisons quelques kilomètres au rythme "promenade", le temps de trouver mes repères et de me sentir bien.
Je pense qu'il faut de nombreux kilomètres de roulage avant de comprendre comment se comporter à son guidon, car le T301 est une moto qui n'est pas facile, c'est pas un truc clefs en main qui s'aprivoise comme toutes les motos asceptisées actuelles, il faut prendre le temps d'adopter la bonne position, de sentir la fourche sous les doigts...
C'est une moto qui domine son pilote au début, et qui intimide beaucoup...
Bon, ch'uis timide, mais pas trop non plus... Martin commence à prendre de la distance avec le Versys, alors j'attend une petite ligne droite, le moteur est maintenant bien chaud et il ronronne...
Alors GAAZZZZ......!!!
Rhôôlàlààà les aminches...!!
Quelle musique....!
Du régime de ralenti, je mets la poignée dans le coin sans autre cérémonie...! Le trois pattes s'ébroue, grogne un peu, monte dans les tours et se réveille... C'est indescriptible... Toute la machine entre en résonnance à partir de 3000 trs/mn, et je sens dans ma poitrine les borborygmes de la ferraille.
Comme un rythme de percussions en orchestre, mon coeur est secoué de vibrations magiques et je ressens dans mes entrailles la voix rauque et puissante de l'Angliche. Les échappements envoûtent les oreilles et le corps tout entier tressaille de bonheur grâce aux pulsations du moteur.
Curieusement, je ne ressens pas une puissance exceptionnelle et la poussée reste raisonnable, je garde donc la poignée vissée, histoire de goûter à la suite...
Aîe aîe aîe....!! Le moteur s'emballe, et passé les 5000 trs, le vrombissement se fait encore plus présent. J'ai l'impression d'avoir une turbine entre les jambes, comme si j'étais assis sur la carlingue d'un bombardier de la seconde guerre... J'entend l'air aspiré par les cornets des carbus, c'est jouissif, tellement prenant...! ENOOOOOORME...!!!
Bon, on se calme, des virages approchent et je ne veux pas me faire surprendre... Lâche les gaz, rétrograde... Dommage, pas ou peu de frein moteur... Je suis étonné de l'inertie ressentie lorsque je rentre les rapports.
Un petit coup de gaz pour l'effet de style : BROOAP...!! C'est génial...
Et c'est reparti... Un bout de ligne droite, je suis en troisième, rétrograde en seconde.... GAAAAZZZZ.....!
Wouuuuuaaaahhhhh.....!!!! ENOOOOOOoooOOOOoooORME..... Quel plaisir immense...
La poussée est franche, mais pas violente. Pas l'impression d'une puissance phénoménale, mais alors quelles sensations...!! C'est du miel, que dis-je, du caviar...! A l'approche des 7000 trs, on sent quand-même que ça tire les bras, mais c'est la musique qui est le plus envoûtant...! Très grisant.
OUPS...! Ca tourne sec là-devant, et je me suis laisser étourdir par l'hymne du trois pattes...!
Serre les genoux, chope les freins, regarde loin.... Oulààà... Ca freine fort, la course du levier est courte et on sent bien dans les doigts les plaquettes qui frottent sur le disque. Par contre ça balade... La fourche se compresse et devient un peu floue. Heureusement que le frein arrière est très efficace : très mordant avec un bon feeling, j'arrive à assoir la moto sans effort, sans bloquer la roue, c'est une crème... Un petit coup de gaz (BBROOOP), passage en trois et ça tourne...
Alors là les enfants, faut se prendre par la main...!
C'est pô une brêle de tafiole, et il faut l'emmener avec un regard assuré et une poigne de fer pour pas se faire embarquer. Je serre les genoux de plus en plus fort, je maintien les gaz vers 4000 trs et visse les yeux à la corde.
Intransigeant, sûr de soi, déterminé.... Il faut avoir le sang froid pour oser prendre beaucoup d'angle et ne pas douter. C'est une moto physique, presque rebelle, très rigide... Bref, une moto d'homme quoi.
Sortie de courbe, beau bitume, j'accélère sur l'angle sans retenue en gardant les yeux bien placés, et c'est reparti : la grosse banane sous le casque, l'orchestre se met en branle, les carbus respirent fort, les trois cylindres font vibrer ma poitrine, et le Triple s'extirpe avec force du virage dans un râle indescriptible...!
Fond de troisième, quatre, cinq... Même rugissement, même sensations, même plaisir.....trop vite, déjà...!
C'est incroyable, chaque fois que je tourne la poignée, c'est une injection pure d'adrénaline en plein coeur, j'ai le cerveau innondé, je suis ivre de plaisir... Quel pied ce moulin...!!
Voilà voilà, il faut déjà rentrer...
Balade trop courte, à peine le temps de prendre mes marques sur cet engin fab-uleux qu'il faut déjà éteindre le moteur. Et on ne veut qu'une chose : redémarrer pour se rassasier à nouveau de ce feulement unique...!!
Bref, ça y est, j'ai les mains qui tremblent rien qu'à l'idée de prononcer le mot magique "T301"...
Croyez moi, j'en fais pas trop, j'ai réellement pris un pied extra sur ces quelques bornes.
Merci Martin de m'avoir confié ton bout de ferraille, ton jardin secret, ta malice cachée, ton fauve intrépide et rebelle. C'est clair, ça n'a rien à voir avec ma Jap, c'est un autre monde, une autre planète...!!
Si vous avez l'occase, foncez tête baissée, c'est du bonheur à l'état brut...!!
Parlez Triumph...
Rêvez Triumph...
Pleurez Triumph...
Mangez Triumph...
Vivez Triumph...!
Merci Martin...!
