En expliquant ma petite mésaventure d'aujourd'hui je me suis dis que quelques personnes seraient peut être intéressées par "l'envers du décor" à bord d'un bus. En tout cas d'un bus bruxellois.
Et bien nos bus communiquent de différentes façons. Pour commencer, l'ensemble des bus est équipé de la radio à bord afin de permettre un dialogue entre le centre de régulation et le chauffeur. Ces dialogues sont toujours enregistrés, et restent "personnels" car cela se passe sur une ligne unique, donc les autres véhicules n'entendent pas. Bien entendu le centre de régulation peut, au besoin, faire une annonce à un certain groupe (de la même ligne par exemple) ou à l'ensemble des bus sur le réseau (pour demander à tout les bus de rentrer lors de graves risques d'accidents en cas de verglas ou de fortes neiges par exemple). Ensuite, si l'appel passe via un haut parleur dans notre poste de conduite, la "régu" peut également lancer un appel vie le "public adress", un système permettant de parler dans tout le bus.
Par ce système radio, les bus communiquent automatiquement des infos toutes les 3 minutes concernant leur état. Température moteur, niveaux (liquide de frein, huile, eau).... Bref des données importantes pour permettre un bon fonctionnement des véhicules et donc du réseau.
Toutes les minutes, le bus communique sa position, toujours par radio via un système relié au tachygraphe. Autant de kilomètres donc, le bus doit se trouver à tel endroit. Tout les 5 arrêts, une balise permet la remise à jour du système, car nous ne faisons pas exactement le même trajet tout le temps, comprenez que si je prend court un grand rond point 6 fois sur la journée, je n'aurais pas la même distance qu'un collègue prenant long dans le rond point.
Toutes les 3 secondes, le bus est interrogé concernant les appels d'urgence, qu'il soient automatiques ou manuels. Le bus est capable d'effectuer un appel d'urgence automatique en cas d'incendie à bord (moteur ou cabine), en cas de crash latéral avant gauche grave (donc la position exacte du poste de conduite), en cas de crash frontal important également, au cas où une issue de secours autre que les portes est actionnée (par exemple les panneaux de toit). Vous me direz pourquoi ne pas lancer un appel pour tous les crash. Il faut savoir que même si les chocs sont parfois très violents, un bus reste un bus, et donc il n'est pas souvent très endommagé et si il peut y avoir des blessés à bord, ceux ci sont rarement atteints gravement. Par contre, lorsqu'un choc violent survient à la hauteur du chauffeur, le bus lance l'appel au cas où le chauffeur serait gravement blessé. Concernant les appels manuels, ce sont les appels lancés par le chauffeur pour demander une assistance. Ambulance, pompier, police. En 5 secondes la "régu" est en relation avec le chauffeur qui peut expliquer ce qu'il se passe et demander l'assistance désirée. L'APSIL (Appel Silencieux) est lui aussi lancé par le chauffeur. Nous avons un "champignon" placé près des pieds sur une paroi, qu'il nous suffit de pousser pendant 2 secondes (avant il suffisait de le toucher mais plusieurs appels ont été lancés à cause de mauvaises manoeuvres). Endéans les 3 secondes, la "régu" est en contact sonore et visuel avec le bus. Si dans le bus, il n'est pas possible de savoir si le contact est établi (enfin si, le chauffeur le sait, via un petit indicateur mais l'agresseur potentiel), la régu entend et voit tout ce qu'il se passe à bord. A ce moment, plusieurs fonctions peuvent être mises en action depuis le centre de régulation. Ils peuvent changer le film de destination extérieur et indiquer "SOS BUS EN DETRESSE" et ce dans 4 langues (français, néerlandais, anglais et allemand, soit nos trois langues nationales et la langue internationale). Il peuvent également couper le moteur du véhicule, et dans les cas très graves mettre les freins en fonction. Il ne s'agit pas d'un freinage de trappeur mais plutôt d'un freinage entrainent un long ralentissement jusqu'à l'arrêt complet du véhicule, et ce n'est qu'à l'arrêt complet que les freins se verrouillent définitivement, il faudra l'intervention d'un mécano pour les débloquer. Ce freinage ne se fait pas "mécaniquement" en actionnant le système de freinage normalement via la pédale, mais par une purge du circuit d'air comprimé des freins. Si sur nos motos, nous devons envoyer un corps comprimé pour serrer les freins, le liquide de frein, sur un bus, les freins sont toujours serrés, et ce n'est que l'apport d'air comprimé qui permet le déverrouillage des freins. C'est un élément de sécurité sur tout les véhicules lourds permettant leur immobilisation en cas de fuite ou de défaillance. Les feux de détresse, les feux de route ainsi que les feux de brouillard avant et arrière s'allument automatiquement lors de cette manoeuvre et toutes les portes s'ouvrent (puisque sans pression d'air pour les retenir).
Lors de la réception d'un APSIL, le système de positionnement du bus bascule sur un système GPS, permettant de donner la position exacte au service de secours, police et/BCO (service de sécurité de la société) afin de porter secours au chauffeur et aux passagers en cas d'agression violente.
Ces différents systèmes sont présents sur tout nos bus. Sur les derniers bus reçus, les Mercedes articulés, il est également possible de couper le moteur et d'empêcher tout redémarrage.
Au niveau de la sécurité "active", notre cabine est protégée par des panneaux en lexan ou polycarbonate, qui est un matériau très résistant utilisé entre autre pour la fabrication de nos casques par exemple. La porte du poste de conduite est verrouillée de manière automatique, et nous pouvons également utiliser un verrou supplémentaire. De plus, cette porte n'a pas de poignée extérieure qui pourrait servir d'appui ou aider un agresseur à tenter d'ouvrir la porte. Dans les nouveaux bus, les extincteurs sont enfermés dans un sas qui ne s'ouvre qu'en cas de choc ou d'incendie afin d'éviter l'agresseur d'utiliser l'extincteur comme arme ou comme butoir. De plus, à la demande des chauffeurs, un extincteur est également présent dans le poste de conduite, ainsi qu'une barre permettant "officiellement" la remontée manuelle de la trappe pour personnes à mobilité réduite. Cette barre peut également faire office d'arme d'autodéfense au même titre qu'une matraque. Toujours à notre demande, la distance entre les panneaux de sécurité et le pare brise à été considérablement réduite. Auparavant, une personne mal intentionnée pouvait passer dans ce "trou", maintenant, c'est impossible. La porte qui était droite, ou parallèle à l'ensemble du bus, prend plus de place vers l'avant droit du bus, toujours afin de laisser un agresseur à distance. La vitre située derrière notre poste de conduite est en lexan et recouverte d'un film plastique. Enfin, si toutes les vitres du bus sont dites de sécurité (donc se casse en tout petits morceaux), celles autour de notre poste sont feuilletées et donc, quasiment blindées (pas aux balles mais on est pas à Chicago).
En gros, un bus, ça n'a l'air de rien, mais (chez nous en tout cas) la sécurité à bord est omniprésente. Avant, les bus n'étaient pas équipés de la sorte, pas de caméra, d'enregistreur ou autre... Mais hélas, le monde devenant ce qu'il est, il faut de plus en plus se prémunir contre les agressions en tout genre. Les agressions sont rarement pour l'argent que nous transportons, mais plutôt des agressions physiques qui découlent de la mauvaise humeur ou de la mauvaise foi d'un client partant en live. Sur 3500 agents de conduite (bus, tram, métro), il y a 14% d'agressions physiques, et environ 32% d'agressions verbales "poussées" (un simple "connard" ne fait pas partie d'une agression verbale).
C'est triste à dire, mais la sécurité à bord est obligatoire pour faire notre métier confortablement et en toute sécurité. Mais quand on apprend tout ça, on se demande franchement dans quel monde on vit, si un simple chauffeur de bus doit être surprotégé.
Si cela vous intéresse, je veux bien vous expliquer quelques "rouages" ou autres organisation de la société, comme les véhicules d'intervention, ou de dépannage (un Man de 4 essieux en 8x8 pouvant lever un tram de plus de 50 tonnes et ayant l'autorisation de rouler en "code 3", donc sirène et gyro, assez impressionnant... )
Bref, à vous de voir si vous voulez en savoir plus. Je n'ai pas mon métier comme passion, mais par contre, certaines choses me passionnent dans mon métier, comme par exemple, tout les systèmes de sécurité à bord d'un bus. Je ne savais pas tout ça avant, et j'avoue être "tombé sur le cul" en apprenant tout ça...
