Coucou les aminches...
C'est un week-end boulot pour moi normalement... Ben j'ai zappé une journée, à cause de la bécane...
Hier soir, je démarre pour aller voir ma soeur... (une soirée gauffres ne se refuse pas...)
Une bonne heure de route de nuit, sur des routes bien grasses avec le petit crachin qui va bien.
Trajet que je qualifierais de "scabreux" au bas mot, concentraton extrême et mode lopette de rigueur... Le déhanché pour prendre le moins d'angle possible et on oublie le frein et les coups de gaz sur les patinoires boueuses des betteraviers en pleine effervescence...
J'ai compté pas moins de 38 endroits très dangeureux en moins de 70 kilomètres... C'est tout dire...!
Bref, ça roule quand-même, doucement mais sûrement...
Ce matin, réveil avant l'aube à 4h30 du mât' pour attaquer ma journée de taf pas trop tard...
Je boucle le sac, enfile la combarde... Mêmes conditions que la veille...
Je fais chauffer doucement, c'est trempé, glauque, inquiétant... Les sous-bois sont austères, c'est le coeur de l'automne dans la campagne de Thiérache...
Le ciel est bas, pas de lune, pas la moindre lueur rassurante à l'horizon...
Quelques paires d'yeux brillants dans la pénombre finissent de mettre mes sens totalement en alerte.
Ici un chat noctambule, là un renard à la démarche louche, c'est pas le moment de rêvasser, il faut conduire à 150% de lucidité et d'attention.
Premier kilomètre : premier chevreuil, premier freinage sur la boue... Pas glop...
Deuxième kilomètre : deuxième chevreuil, deuxième freinage sur des feuilles mortes (merci Môssieur l'ABS...)
Trentième kilomètre : 110km/h, dans une courbe large, en sous-bois, route étroite et poisseuse... L'arrière se débine, la moto frétille, louvoie, tangue, élargit la traj'...
Je lâche les gaz, mordille un chouilla le bas côté, manque de me mettre au tas, et récupère in extrémis le goudron....
trente cinquième kilomètre : Rebelotte, sur une accélération en ligne droite, ABS inefficace, chaleur, frayeur, sueur.... Quelque chose cloche. Je ne me sens pas bien, mal à l'aise sur mes appuis, la moto n'est pas fidèle à ses réactions habituelles, je m'inquiète.....et m'arrête....
Bilan....
PNEU CREVE....
La galère un Dimanche...!
Il fait nuit noire, à 5h30 au beau milieu d'une campagne hostile et repoussante...
Personne, aucun bruit... Un hululement de chouette tombe à pic pour parfaire l'ambiance...
Moment de solitude...
Quelle option choisir...?
Laisser la bécane sur place, et réveiller le fermier le plus proche, dont la maison est à.....je ne sais pas.... 3 km, peut-être plus... Va t'il m'accueillir au fusil de chasse...?!!
Réveiller ma soeur en pleine nuit, elle qui a eu une longue et dure journée la veille... Et pour quoi faire...? Qu'elle vienne me chercher, la belle affaire.....
Non, je ne laisserais pas ma brêle au bord de la route toute seule.... Je réfléchis....
Déjà, me mettre à l'abri.... Ne pas risquer d'accident avec une BAR oubliée dont le "pilote" sort de soirée avec ses potes complètement éméché...
Je pousse, avec les warnings, je sue, je peste, c'est dur... Le pneu est maintenant totalement à plat, j'ai dû choper une belle saloperie pour le vider en si peu de temps, et déjà je me félicite de ne pas avoir pris de gadin en roulant...
Au bout d'un bon quart d'heure de misère, une sortie de champ m'accueille, je suis hors de portée et en sécurité... Ouf...!
M'accueille, c'est un bien grand mot... Terrain bien gras, ornières profondes, pente prononcée... C'est pas gagné... Je pose la moto contre un arbre, sors ma frontale du sac (merci la prévoyance) et trouve un morceau de bois pour caler sous la béquille sans risquer la chute.
Je crache sur le pneu pour déceler la fuite, voir des bulles, et ne tarde pas à isoler le trou... Sympa... Beau morceau de silex pointu au plus profond de la gomme...
OK, va falloir s'y coller maintenant... Pour une fois, j'ai troqué ma bombe anti-crevaison pour des emplâtres à coller... De toute façon, la bombe aurait été inutile dans mon cas...
Je dispose d'un kit mèche, de deux bombes de CO2, et de quelques outils de seconde qualité...
Va pour la réparation...!! C'est une première dans ces conditions, mais je me lance...
Pour ceux qui ne connaissent pas les emplâtres, ce sont de simples rustines, genre vélo, mais plus épaisses, pour voitures... Le soucis, c'est que la pose demande la démonte du pneu... Pas de mèche classique qu'on enfonce par l'extérieur sans soucis...
Je lève la roue arrière grâce à la béquille latérale, et fais glisser sous l'échappement une cale de bois trouvée dans la nature, la moto tient en équilibre.... ça, c'est fait...!!
Déserrage de l'axe de roue, dépose de l'étrier de frein, trouver un endroit sûr pour ne rien perdre...
Enfin, je sors la roue de son logement, c'est pénible... tout est poisseux, de la gadoue, l'herbe trempée, les pieds dans la mouise... galère...!! Je retire la valve pour vider le reste d'air.
Je me faufile sous la barrière du pré, à la recherche de bras de levier de fortune pour décoller le pneu et déjanter pour réparer... Finalement, j'opte pour des piquets de clôture en ferraille, à moitié rouillés, que j'arrache de terre... (pardon paysan...)
Et ça marche...! Petit à petit, le pneu déclare forfait et se rend face à mes efforts délicats pour ne pas abîmer la jante...
Papier de verre, ponçage, collage, essuyage, séchage (au briquet..), attente...
Au bout de plusieurs heures de patience, je parviens à remonter le tout et j'en suis fier...!
J'hésite un peu avant de remettre le boudin sur la jante, et là, je remercie ma soeur pour son pot-au-feu...!!!
J'ouvre le tupperware qui contient mon repas de demain, et prend la graisse figée de cette bonne tambouille pour refaire l'étanchéité du tubeless... Magique... J'enquille les deux bombes de CO2 pour regonfler, et ça marche...!
Sourire...
Fierté personnelle....
Je pense à Fab....
Je l'aime...
Le jour est déjà levé...
Un peu d'herbe trempée pour me "laver" les mains, je retourne dans le pré remettre les piquets à leur place, j'endosse mon sac à dos, j'enfile le casque..... Non... J'enlève la frontale avant, ça ira mieux...
Et c'est reparti....
(doucement jusque chez moi, où je m'affale voluptueusement dans mes draps pour une bonne sieste...)
Si ça c'est pas de la bonne aventure à la Mac Gyver....!!
Même si j'aurais pu m'en tirer plus facilement en demandant de l'aide, je suis fier de ma bricole, très fier, mais je vais quand-même faire un tour chez mon mécano au plus vite, pour qu'il me remette ma meule d'aplomb et vérifie ma bidouille... OUF...!!
Mr Ewan Mac Gregor, vous m'engagez quand pour un tour du monde...?