[vidéo] Le virus de la grimpe...

Démarré par pierô, 21 Janvier 2008 à 23:37:25

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0 Membres et 1 Invité sur ce sujet

pierô

Désolé, j'ai pas pu résister plus longtemps.... :-[ :-[ :-[

Ca n'a strictement rien à voir avec notre passe-temps qu'est la moto, mais j'ai une autre passion encore plus ancrée dans mon âme que le deux-roues...

Et je voulais partager avec vous quelques morceaux choisis d'escalade, car c'est plus qu'un sport pour moi... C'est plutôt un mode de vie, une seconde nature, une malformation génétique, un virus permanent, une maladie incurable...

En ce moment, je souffre énormément de ne pouvoir assouvir mes désirs verticaux (Ch'Nord,c'est sympa mais c'est plat...) et j'en suis réduit à m'entraîner sur les murs en briques... Rien de bien excitant je vous l'assure...! Je me goinfre de bouquins qui sentent bon la montagne, et j'avale des heures d'images comme un médicament pour combler ce manque...

Je suis un drogué de cailloux, un malade du rocher, un féru du vide et du silence...


Donc, pour essayer de me calmer un peu, j'ai décidé de vous poster de temps en temps dans ce topic quelques belles images qui font du bien aux yeux...
Ou bien je me fendrais d'un petit texte à l'occasion, histoire de sortir de mon ventre toutes ces divines sensations qui restent coincées dans ma chair...
J'espère que certains seront assez sensibles pour apprécier les formes et les couleurs extraordinaires de notre nature minérale... Car notre Terre porte en elle les plus belles forces qu'on puisse imaginer.
J'espère que vous vibrerez avec moi en voyant émerger d'une forêt, un doigt de roc fièrement dressé.
J'espère que les parfums uniques de la pierre ensoleillée vous chatouilleront les narines.
J'espère que vous sentirez la caresse de la brise, ou la froideur du vent qui balaie les sommets...

Je commence donc avec une vidéo d'un bout de caillou aux états-unis, gravie par un petit gars "qui n'en veut".... Le film est extrêmement impressionant de par la difficulté physique de l'ascension, malgré qu'elle soit courte, mais surtout, le rocher propose des couleurs et des formes tout droit sortis d'un autre monde... Et pis la musique colle très bien aussi je trouve...

Faites vous plaisir, moi, j'en ai encore les mains qui suent...!


SUNT VIRTUTIS RUPES ITER.....!

:V: Porte parole de ZR-7.ORG Canal historique... :V:

MAMOU

adonf'sapassepas!!!

cpg

#2
Comment ne pas repondre a ce post... Oo:

J'ai decouvert ce sport peut apres la naissance de ma fille...au cours d'un sejour dans les pyrennées. Son Parrain avait créer un rocher ecole et ma presque mis de force sur le caillou apres m'avoir contraint a enfilé un baudrier....

"Mais ça va pas qu'est ce que tu veux que je fiche la dessus moi ?"

Il faut dire que le sport et moi... >/:<

J'ai donc commencé a "grimper" sur la moulinette qu'il avait installé...et encore grimper c'est un bien grand mot ...disons que je suis arrivé péniblement a gravir 2 a 3 metres en etant completement colle au rocher, sans voir quoi que ce soit et en raclant mes malheureux basquets sur la calcaire.

Il m'a ensuite fait faire un rappel  ( pareil la hauteur 5 metres maximun) ...

Et aller savoir ce qui c'est passé dans mon crane a ce moment la ...je n'avais plus envie de le quitter ce foutu rocher..

Rentre chez moi apres ce cours sejour je me suis mis en quete de pierre, cailloux, et autres monticules qui me permettais d'y grimper dessus...jusqu'a la facade en pierre de chez mes parents...

Je me suis pris a aller balader tout seul (pas bien...) au pied de la sainte victoire et d'essayer de gravir ce qu'il me semblait possible..

Et j'ai finalement trouver un ecadrement au sein d'une MJC et la ce fut le tout grand plaisir..Des gens passionnés qui ont le gout de vous faire partager leur vie ...Car, comme le dit piero l'on parle bien de vie...Un grimpeur , quelque soit son niveau ne pense plus que par le rocher , ne peut poser ses yeux sur une paroi sans y chercher les prises qui l'aideront a aller plus haut....Ne peut s'empêcher de guetter le moindre reflet sur une falaise dans l'espoir d'y découvrir une voie...

Dans cet univers privilégier qu'est la provence je me suis baladé sur quelques superbes sites...Buoux, Orgon, Cavaillon, la ste victoire, et c'est toujours  mort de fatigue et les pulpes des doigts lisses comme la joue d'un bébé que nous rentrions le soir...Mais complètement liberé du stress accumulé les jours précédent et l'esprit calme et serein...

Et aujourdh'ui ..alors que je ne pratique plus depuis une dizaine d'années ...c'est toujours avec la même envie que je scrute les falaises, cherchant les traces d'un passage ou bien les vestige d'une sangle abandonnée aux vents par un grimpeur qui a eu les yeux plus costaud que ces doigts...

Désolé Piéro , je n'ai pas ta verve pour décrire ces moments magiques que j'ai vécu en sortant mon premier 6a en tête...ou bien en surmontant un grand coup de "gaz" à 50 mètres sur une dalle en laquelle je ne trouvais plus aucune adhérence ni ces vols qui ont suivi des moments de trop grande confiance en moi...

Le film que tu nous a mis est magnifique ...il démontre la passion et la persévérance qui est le propre d'un grimpeur...et cette voie... Oo: Oo: Oo:...

encore s'il te plait... 0(0  ;)
<br />[move]en Abstinence tabagique depuis Fevrier 2008[/move]

pierô

#3
Merci de m'encourager CPG.... Je ne manquerai pas d'alimenter tes rêves de verticalité, c'est promis..!


Je viendrais petit à petit à cet esprit de la grimpe, cette manière d'être et de se sentir, mais pour faire envie et mettre l'eau à la bouche, je sais qu'il faut faire voir aux gens des trucs incroyables, inconcevables ou surhumains...

Ce qui se passe dans la tête d'un grimpeur (ou de tout autre passionné) est invisible, et il est très délicat et complexe de décrire la jubilation et le feu intérieur qui brûle lors du contact avec la nature...
C'est plus facile de montrer une image incroyable, un truc qui interpelle....

Alors vous voulez de l'action...?...? Tenez, en voilà...

Là encore, pour quelqu'un qui ne connait pas l'escalade, et qui n'a jamais senti combien le rocher n'est pas tendre avec nos pauvres doigts, il est difficile de juger de la préparation et la résistance physique requises pour une telle ascension...

Ce type est un ovni, un visionnaire du mouvement unique et tordu...! Pour gravir cette voie, il s'est préparé pendant plus de deux ans, à fait plus de 250 tentatives, ce qui représente en moyenne 10 essais par mois... C'est considérable quand on sait que chaque prise est très traumatisante pour les doigts.

Le rocher est parfait, les formes sont harmonieuses, la couleur est alléchante, bref, une voie de rêve pour masochiste endurant...



Il ne faut pas perdre de vue que ce genre d'image montre le côté extrême de l'activité, ce n'est en aucun cas le reflet du véritable visage de la grimpe... Le gars a davantage l'air de souffrir que de se faire plaisir...
Son plaisir vient de l'aboutissement de sa préparation, de son abnégation et de sa ténacité. La réussite de l'ascension n'est que la cerise sur le gâteau... Elle n'est qu'accessoire, même s'il eut été vert de ne jamais réussir...

Ce n'est plus ce genre de voies qui m'attirent, je ne vous le fais pas dire...!
SUNT VIRTUTIS RUPES ITER.....!

:V: Porte parole de ZR-7.ORG Canal historique... :V:

cpg

#4
bon...ben c'est malin !!!

j'ai plus qu'a ressortir mon rouleau de Strappal maintenant.... :-D

Suberbe...un voie de fou...et la resistantce pour les mono doigt... Oo: Oo: Oo: enorme le mec... :pouce:

a chaque epoque ses héros....

fut le mien dans les années 90

Le retour aux origines...
.A ne surtout pas essayer sans avoir du sang d'araignée dans les veines...des images qui represente l'aboutissement de l'osmose avec la nature et le rocher même certains pourront penser que c'est prendre des risques inutile...mais je comprends son esprit ou a un moment donner la chute est même quelque chose qui ne fait plus partie de sonesprti il n'existe plus rien au monde que lui le rocher et l'harmonie

Par contre voila dans cette discipline  >/:<
<br />[move]en Abstinence tabagique depuis Fevrier 2008[/move]

MAMOU

J'y connait rien...mais les videos m'impressione beaucoup !!!!  :o :)
Belle passion !!!
adonf'sapassepas!!!

pierô

Je t'attendais au tournant CPG pour le roi Edlinger...! C'est vraiment le grimpeur de ta génération qui a donné une identité très forte à l'escalade dans les années 70... Un gars qui, par ses films, a beaucoup impressionné et transmis le virus à plusieurs générations...
Aujourd'hui encore, ce type a une aura exceptionnelle dans ce monde et ses réalisations mises au grand jour sont un message qui décrit parfaitement le mode de vie "grimpe"...

Pour connaitre un peu mieux le personnage, je ne peux que vous conseiller les trois morceaux filmés dans le Verdon... Opéra vertical" (voir extrait de CPG plus haut...)




On peut se rendre compte ici de ce qui peut rendre un grimpeur amoureux du caillou...
Les gorges du Verdon sont un endroit magique, avec par endroit une solitude totale (surtout en hiver), un rapport certain avec une nature sauvage et étourdissante, des volumes et des formes excentriques, des couleurs chavirantes et bienfaisantes, une végétation insolite....

L'escalade est une manière simple et naturelle pour vider son esprit et sentir son corps s'exprimer librement... C'est un médicament contre la platitude de l'existence et c'est la panacée de la paix intérieure.

Si Dieu existe et a réellement créé tout cela, il ne peut être que grimpeur....!  :biggrin:





Pour aujourd'hui, histoire de se mettre en jambes, je vous propose une série de chutes... Eh oui, l'optimisme déplacé de certains grimpeurs ou leur manque de lucidité les amènent souvent à la chute. Ca fait partie du jeu...!

.....assez planant.  Désolé, la vidéo n'est pas d'excellente qualité, mais on peut imaginer les quelques secondes d'expectative durant lesquelles le grimpeur s'abandonne au vide et sent le vent siffler dans ses oreilles pendant la chute... Il essaie ensuite de se raccrocher au rocher mais la voie est déversante, c'est peine perdue...
Il n'a plus qu'à repartir du bas s'il veut sortir cette voie... :-\

Celle-ci est plus impressionnante, car la configuration du rocher peut être dangeureuse si le grimpeur n'a pas le bon réflexe de se pousser dans le vide au moment de la chute... L'arête aiguisée du caillou peut ici faire très mal...
Tout est bien qui finit bien... Ouf...!

Encore une chute en fissure ici... Voilà ce qui arrive lorsque les avant-bras sont cuits, et que la fatigue nerveuse empêche d'être lucide... La grimpeuse arrive sur un passage délicat, elle essaie mais y renonce car elle ne se sent pas en sécurité. Elle tente un placement de coinceur mais se trompe de taille et se ravise... Pendant ce temps, la fatigue s'accumule, et elle décide la fuite en avant en espérant filer vers une sortie de secours ou un repos.... Mais trop tard...! (Le cri de guerre est sympa aussi)...

Les anglais ont aussi une conception de la chute amusante, et comme ils n'ont pas le droit d'équiper les falaises et de faire des trous dans le rocher (voilà une excellente idée), ils ont trouvé le moyen de s'amuser sans se faire trop mal... Ca s'appelle le "deep water soloing"
Dans cet extrait, les chutes sont plutôt sympas, mais attention, au pays de Galles, certains furieux gravissent des voies avec des chutes potentielles de plus de trente mètres....! même s'il y a l'eau en dessous, vaut mieux pas se rater et faire un plat... :'(

Pour finir en douceur, la dernière n'est pas une chute, mais les frères Huber qui s'amusent au bout d'une corde...
Juste après avoir gravi les 1000 mètres du Nose (paroi du Yosémite, US) ils se détendent...
La paroi du Nose est continuellement déversante, de sorte que si l'on pendait une corde de 1000 mètres au sommet, et qu'un grimpeur y descendait en rappel, il toucherait terre à plus de 80 mètres du pied de la paroi...!!
Je trouve cet extrait sympa, car on a l'impression que ce sont des hommes volants, c'est très gracieux...
Et le cadre... :-* :-* :-*


Voilà, c'est tout pour aujourd'hui, à bientôt pour de nouvelles aventures...!  0(0 0(0
SUNT VIRTUTIS RUPES ITER.....!

:V: Porte parole de ZR-7.ORG Canal historique... :V:

acid

moi je suis plutot sportif et tres admiratif du travail fait, deja au niveau physique et aussi le mental, le seul hic j ai le vertige c est un truc de malade, je ne peux donc pas faire ce sport la
avec le ZR-7 tu te mets a 90Km/H et louche, avec le Z750 c'est pareil mais a 110Km/H (spécial dédicace a papou)

cpg

effectivement le "vol" est quelque chose d'inévitable dans l'escalade....

Lors de mon stage de pré-initiateur nous avons eu une journée d'ecole de vol....

grimper deux a trois mètres au dessus du dernier "clou" et se pousser volontairement en arrière pour maitriser la réception avec les pieds et les mains..

Le probleme c'est quand on part en vrille et que l'on ne maitrise plus les sens dans lequel on revient vers le rocher...le choc dorsal est alors tres traumatisant...

Pour les fissures la hantise c'est de décrocher sans avoir pu retirer les doigts qui servent de "coinseur" dans la fissure...On voit bien sur la vidéo comme le grimpeur force pour retirer la main de sa prise....


Citation de: acid le 01 Février 2008 à 23:10:21
moi je suis plutôt sportif et tres admiratif du travail fait, déjà au niveau physique et aussi le mental, le seul hic j ai le vertige c est un truc de malade, je ne peux donc pas faire ce sport la

Au contraire c'est une excellente thérapie...

Quand tu grimpes tu es suffisamment concentré sur tes gestes pour ne pas penser au vide...Cependant il peut arriver que lors d'une fatigue , que tes muscles se tétanises , que cette gène resurgisse ...l'on appelle cela avoir un "coup de gaz" tu es alors complètement figé sur la parois sans pouvoir faire un seul geste....et bien souvent la solution c'est "le vol" libérateur ...Tu vois tout est lié... :biggrin:

Par contre ce qui a été le plus difficile pour moi ...c'est l'équipement des voies quand tu te trouves au sommet de la voire au bord de la falaise et que tu équipes les cordes pour une moulinette (corde mise en place pour pouvoir grimper sans avoir l'engagement d'être en premier de cordée) entre l'angoisse de pas te planter pour l'équipement et le fait d'être a l'extrême bord du vide... Oo:

Et en parlant d'équipement ... un petit point pour la dernière vidéo ..il vaut mieux être sur de la mise en place de la corde pour faire des pendules pareils et etre certain de ne pas avoir de frottements destructeur...  Oo:
<br />[move]en Abstinence tabagique depuis Fevrier 2008[/move]

pierô

#9
Oh puis non, finalement, c'est pas fini pour aujourd'hui...  :-\ :)

Il faut que je vous raconte une journée d'escalade, ça me démange depuis quelques jours, j'ai les mains qui suent et je commence à trembler... C'est pas bon, il faut que j'évacue...!

Du temps où je grimpais beaucoup, j'avais pris l'habitude de consigner par écrit chaque minute passée sur le rocher, histoire de n'en pas perdre une miette et de me faire des souvenirs pour mes vieux jours de grabataire... Finalement, je me rend compte qu'écrire des souvenirs est presque inutile, puisque ceux-ci sont invariablement gravés au plus profond de mes entrailles... Les quelques pages griffonnées dans mon carnet sont bien peu, au regard des mille et unes subtilités qui habitent mon esprit...
Les heures du bonheur sont indélébiles et se rappellent toujours à vous avec une incroyable précision.
Un souvenir n'est pas qu'une voie, ou un endroit sympa; c'est aussi l'ambiance du moment, les effluves du vent et les senteurs uniques, le ressenti de la vie et de la joie intérieure...
C'est presque indescriptible...!


Depuis plusieurs jours déjà, nous nous usons les doigts sur cette toile râpeuse des Calanques...
27 Avril 2002, je rêve.... Je rêve d'un beau rocher blanc et tiède.... Je rêve d'un éclat de rire dans le silence du matin... Je rêve d'un regard apaisé sur la mer, le cul posé à même la pierre en fumant mon herbe......... Et j'ouvre les yeux......
Le soleil est encore loin derrière le plateau de Castelviel, et il fait encore sombre. Bien au chaud dans mon duvet douillet, je me redresse et jette un oeil à mon compagnon de cordée. Il est paisible, les yeux clos dans la douceur des bras de Morphée... Je souris, et profite de cet instant béni où la beauté est reine, seulement troublée par le ressac de la mer toute proche, et aussi le mistral qui s'est levé dans la nuit. C'est un songe éveillé.
Mon rêve se prolonge, mon réveil est un rêve à lui tout seul, je me sens détendu et serein, même si l'escalade de la veille a rendu mes doigts douloureux... Je laisse mes yeux se nourrir de l'aube, et traîner le long des crêtes aux ombres farfelues. Avant même d'avoir commencé cette journée, je me régale. Avant même d'avoir levé le petit doigt, j'ai l'indescriptible sensation d'une jubilation intérieure, d'être le plus heureux du monde car je me trouve dans un endroit qui est le reflet de mon fantasme existenciel.

Mais les rêves et la contemplation ne sont pas l'action, et les falaises qui nous surplombent sont une invitation irrésistible. Donc pour presser les choses, je met le réchaud en branle pour un petit déjeuner énergisant. Le bruit du gaz fait ouvrir les yeux de Raymond, qui s'étire comme un chat paresseux et me regarde en souriant...
Sans échanger un mot, nous savons déjà qu'une journée merveilleuse nous attend...
Le thé est vite avalé, car nous sommes tous les deux comme des gamins et avons la fougue et l'envie pressante de nous équiper pour grimper...

>:D >:D >:D

Quelques minutes plus tard, nous sortons de notre cachette, les pierres roulent sous nos pieds avec un bruit mat, et nous nous dirigeons vers la voie convoitée aujourd'hui. Nous ne parlons pas, nous sommes attentifs à la marche et rien ne sert de causer... Nous préférons boire le mistral qui frappe le rocher avec une déconcertante inutilité. La pierre éternelle fait fi des coups de boutoir des rafales, et nous, petits hommes, devont lutter pour avancer fièrement...

Au bout d'une centaine de mètres, je me retourne et observe Raymond... Il me regarde à son tour, et d'un hochement de tête dubitatif, nous comprenons tous les deux qu'il va falloir changer d'objectif car le vent devient de plus en plus violent, et le "Bec de Sormiou" est totalement exposé à son souffle profond.
D'un commun accord, nous décidons de nous rendre dans la falaise du "Cancéou", où nous devrions être plus tranquilles... De plus, nous avons un vieux compte à régler avec cet endroit qui nous a donné du fil à retordre il y a quelques semaines. Aucun regret, nous fuyons le bec pour nous mettre à l'abri de la tornade...

Le Cancéou, comment vous dire....? C'est un endroit un peu magique, comme beaucoup d'endroits des Calanques...
C'est un coin peu fréquenté, assez isolé, très pur, très simple, très beau... C'est la rencontre directe entre le rocher et la mer. La confrontation de deux mondes : le roc et l'eau, le dur et le liquide, le blanc et le bleu, la verticale et l'horizon... Et malgré tout, ces deux mondes se cotoient sans se faire d'ombre, l'un n'irait pas sans l'autre, ils sont complémentaires, presque indissociables... L'approche est anodine, nous marchons d'un bon pas sur le plateau qui mène au cap Morgiou, cinglés par des rafales de plus en plus virulentes...

Et d'un coup d'un seul, comme expulsé de la terre, le soleil se hisse sur les crêtes et efface nos ombres. Nos visages tournés vers la lumière, nous nous asseyons à même le sol, comme étourdis par un coup de poing, et nous absorbons cette douce chaleur et ce spectacle divin du matin... Que c'est beau...! Que c'est pur...! De seconde en seconde, le ciel mûrit et s'exale de couleurs irréelles. Les ombres tapies s'enfuient à toute jambes sur le sol pour s'évanouir comme par magie dans les recoins de la terre. La métamorphose est parfaite, tout s'enchaîne à une vitesse incroyable et pourtant, dans l'harmonie la plus totale... C'est comme un prélude à l'opéra, un tour de chauffe de l'orchestre, une musique fluette qui monte en puissance et remplit l'espace d'une bouffée d'oxygène... Le soleil est bien la meilleure chose qui puisse irradier nos esprits et nos corps refroidis...


L'instant consommé, nous reprenons notre marche régulière et silencieuse... Enfin, nous sommes en vue de ce magnifique pin esseulé qui surplombe la calanque... Le seul arbre qui ait survécu aux derniers incendies et aux tempêtes... Il est splendide... tordu mais fier, fatigué mais vivant, il dresse ses aiguilles au dessus du vide comme un défi à la méditerranée. Ce pin centenaire fait le bonheur de tous les grimpeurs qui sont passés à son pied depuis des générations... Il offre l'abri contre la pluie, l'ombre contre les rayons brûlants et un dossier confortable pour l'homme éreinté...


Raymond dépose son sac et sort de sa poche un peu de tabac qu'il roule avec indifférence, les yeux rivés vers l'île de Riou qui, il faut avouer, est dans toute sa splendeur... Même vu d'ici, on devine les embruns poussés par le mistral qui frappent avec violence les falaises escarpées...
Je ne peux m'empêcher de poser ma main sur l'écorce ridée du vieux pin. Avec respect, je caresse la peau rugueuse de cet habitant du rocher, et je sens dans ma paume les vibrations du vent qui tord ses branches noueuses.
Je ferme les yeux, et c'est à nouveau une vague de sensations qui submerge mon âme. J'ai l'impression en sentant vibrer cette écorce, que le vent me parle, qu'il me souffle à l'oreille son message de bienvenue...
Je souris car nous sommes ici à notre place... Je sens qu'une énergie incroyable m'habite, et grandit, et grandit encore au contact simple de cet arbre... S'il pouvait parler, il le ferait, c'est sûr...
Il me dirait combien j'ai eu raison de me lever ce matin pour venir le voir et toucher ses racines, il me dirait que rien au monde ne vaut ce paysage et ses couleurs subtiles, il me dirait que lui, restera ici jusqu'à sa mort, car il n'a pas trouvé de meilleur endroit pour germer et étaler ses branches au quatre coins du ciel...

"Oh Pierre...? On grimpe ou on rêve...?"  Première parole de la journée... Raymond me tire de cette douce torpeur car il est impatient... Il a déjà tout préparé, et n'attend qu'une chose : que je lâche cet arbre pour y passer la corde...
En effet, non content d'offrir l'ombre et le fauteuil, cet arbre sert aussi pour descendre en rappel...! Il est la porte du paradis qui s'ouvre sous nos pieds.... Presque aussitôt, je vois mon ami disparaître au bout de sa corde, glissant sur ce filin qui se perd dans la mer...


A mon tour de descendre... j'installe mon matériel, vérifie mon harnachement... Je jette un dernier regard à cet arbre qui tient ma vie entre ses racines, je souris à nouveau. Il est tellement beau et fort cet arbre, il ne peut me trahir, il a poussé ici pour m'aider, pour me donner cette chance de découvrir plus bas les merveilles qui s'y cachent.
A cet instant au Cancéou, il y a toujours ce je ne sais quoi de spécial, cette pointe d'amertume au moment de descendre. En effet, une fois en bas il n'y a qu'une issue : grimper... Pas de chemin caché, pas d'issue de secours, pas de retraite peinard... Une fois en bas, il faut monter pour s'en sortir, ou bien se jeter à l'eau et nager jusqu'à la prochaine plage.... Mais avez-vous déjà essayé de nager avec une bouée de dégaines et de coinceurs pendus à la ceinture...? Je ne tenterai pas l'expérience...surtout au mois d'Avril....  :'( :'(

Je me laisse glisser sur la paroi et quitte mon vieil ami le pin. Je plonge alors dans un monde irréel, presque impalpable... Je n'arrête pas de grimper en ce moment, et pourtant, chaque fois cette sensation de bien-être me submerge. Pendu dans le vide, je me sens bien... Les lignes verticales du rocher me rassurent, je suis dans mon élément, je ferme les yeux et profite de cet instant d'ivresse simple et gratuit...
Je rejoins Raymond en bas du premier rappel, il y en a quatre... La corde est tirée, la retraite est coupée... Nous échangeons un regard et sourions. Sans vouloir l'avouer, nous sommes heureux d'être ici, livrés à nous même sans autre solution que de grimper pour rentrer au bivouac...
Les rappels s'enchaînent, et plus nous descendons, plus le monde des hommes s'éloigne.... Et plus nous sommes ravis!

La nature a aussi cette force spéciale, c'est d'être sans cesse différente... Elle est un jour humaine, le lendemain bestiale... Un jour merveilleuse, le lendemain infernale... Aujourd'hui, la Méditerrannée n'est pas bleue, c'est le moins qu'on puisse dire... Au dernier rappel, au départ de la voie, nous sommes encore à plus de dix mètres au dessus de la mer, et pourtant, les embruns viennent nous chatouiller les mollets...! Regarder les vagues est étourdissant, ça bouge sévère... L'eau est d'une couleur sombre, presque noire, et le bruit est impressionnant. La houle frappe le rocher avec violence, le caillou est trempé.  :o

Un sourire complice nous rassure, et nous attaquons avec enthousiasme la première longueur de la "voie du Levant"...
Ce n'est pas une voie difficile techniquement, mais l'ambiance est extraordinaire. Presque toute la falaise a été rééquipée avec des scellements solides, mais à quoi bon se trimballer les coinceurs pour ne pas s'en servir...? Nous ignorons donc la modernité des ancrages et grimpons comme on en a pris l'habitude.... Assurage naturel, ya qu'ça de vrai...!  0(0 0(0

Malgré l'humidité, la première longueur est facile, c'est une bonne mises en jambes, agréable pour se mettre en confiance... Jusqu'à vingt mètres au dessus de la mer, l'écume parvient encore à lécher la paroi... Mais les prises sont sûres et nous évoluons sans difficulté. La magie de la grimpe fait son office, le sourire aux lèvres, je me balance au gré du vent de fissures en écailles, de trous en réglettes... Le rocher est incroyablement varié, les sculptures sont artistiques et harmonieuses. Je me régale...!

La seconde longueur est très glissante, les prises sont rondes et humides... Ce n'est pas pour rien que ce passage est surnommé "la savonnette", mais la difficulté est raisonnable et nous passons tous les deux sans soucis...

Troisième longueur, ça se corse...! Au dessus du relai, une dalle bien lisse vient mourrir dans un vague dièdre, au fond duquel se creuse une fine fissure déversante... Je me tord le cou vers le haut pour essayer de déchiffrer la solution, j'imagine plusieurs points de repos, plusieurs possibilités, et je me lance... La dalle est sans protection possible, c'est trop lisse. La pointe de mes chaussons mord les aspérités calcaire, et mes doigts cherchent à tâton un hypotéthique gratton. L'optimisme m'habite, et à tous petits pas, je progresse lentement vers la fissure salvatrice...
Ouf...! Premier coinceur, le rocher est glissant. Je parviens à placer deux petites "têtes d'épingle" dans des trous évasés, puis je coince ma chair dans la fissure pour me reposer un peu... J'en profite pour observer la suite, qui s'annonce comme une bonne bataille...!! La fissure est très fine, à peine de quoi y mettre deux phalanges, et la paroi se redresse de plus en plus dans un dévers régulier... Mmoui....
C'est l'occasion plus que jamais de penser très fort à ma phrase fétiche : "Sunt virtutis rupes iter"....
Selon l'expression bien connue, je suis au pied du mur, c'est le cas de le dire... Et c'est parti.
Ma respiration s'accélère, les yeux grand ouverts pour ne rien rater, les sens en alerte et le corps tout entier en éveil, je trouve les mouvements avec quelque hésitation, mais je les trouve... Au bout de quelques mètres, je tombe sur un emplacement de rêve pour coinceur... Une main incrustée dans la roche, je cherche à ma ceinture la bonne taille de matériel pour pouvoir m'assurer... Ma respiration est profonde, régulière, je me sens bien, je suis en confiance, rien ne peut m'arrêter... Super, je prend un pied fabuleux...!  0(0 0(0 0(0 0(0
A ce moment, le mistral n'existe plus, la mer n'existe plus, le ciel est absent, il n'y a ni droite ni gauche, et encore moins la notion de temps qui passe... Il n'y a qu'une bulle autour de moi, une bulle hermétique et personnelle dans laquele je me sens moi-même... Je ne pense qu'à grimper, à lire le rocher pour placer mes pieds, à sentir du bout des doigts le calcaire rugueux et adhérent... Quel bonheur, je jubile intérieurement, et je me marre tout seul comme un fou dans sa cellule. Oui, je deviens fou, je suis un autre, je plane sur le caillou et ne prête plus attention à la douleur de mes doigts crispés dans la fissure. C'est vraiment....... Il n'y a pas de mots.....
Et soudain, je me retrouve nez à nez avec deux pitons fichés dans le rocher et reliés par une chaîne...! Merde, la longueur est déjà terminée...! Je suis arrivé au relai, je dois m'arrêter... :( :( Des longueurs comme celle-là ne devraient jamais prendre fin, j'en veux encore.....!

Bon, il faut se faire une raison, Raymond doit commencer à s'impatienter en bas... J'installe mon relai sur une sangle et deux coinceurs couplés dans un trou... Par sécurité, je place quand-même un mousqueton sur la chaîne au cas où, et je tire deux coups secs sur la corde pour faire signe à Raymond qu'il peut grimper à son tour...
Alors, la bulle s'évapore, ma concentration se relâche et la nature reprend sa place autour de moi... C'est le moment de pause, le moment où l'on aprécie toute la splendeur des éléments... C'est le moment où le Gabian (goéland) curieux vient dire bonjour en planant à quelques mètres seulement....





La dernière longueur (déjà) est plus classique... Un dièdre ouvert comme un livre, dans lequel les mains trouvent naturellement leur place sans chercher des mouvements compliqués... Un fin parfaite pour remplir définitivement son âme de l'ambiance mystérieuse et sauvage du Cancéou, pour sentir sur sa peau le souffle de la mer et la voix silencieuse du rocher... Je laisse à Raymond le plaisir de parcourir en premier ces derniers mètres, ce qu'il accepte avec une joie non dissimulée. Ce type a 60 berges, mais après ces trois longueurs de bonheur, son regard est celui d'un gosse... Je sens dans son sourire qu'il a lui aussi pris un grand plaisir à cette ascension, comme il l'a toujours fait depuis une bonne quarantaine d'années...

C'est presque avec regret que nous rejoignons le sommet et notre arbre fétiche... 130 mètres, c'est décidément bien trop court pour se rassasier... Toujours en silence, nous rangeons le matériel et Raymond plie la corde avec des gestes lents et assurés... J'ai toujours aimé le regarder plier la corde, regarder ses mains noueuses dans lesquelles il fait glisser le nylon avec grâce et dextérité.
Je sors de mon sac du chocolat noir et en tend un morceau à Raymond. Nous nous adossons contre ce tronc familier, face à la grande bleue, et laissons nos pensées vagabonder par-delà les vagues... Nous essayons d'échanger quelques mots pour décrire notre voie du jour et nos impressions, mais rien n'y fait.... Nos regards se croisent et une fois de plus, nous devons admettre qu'il n'y a rien à dire. Toute parole est inutile, futile... Il suffit de le vivre et de le partager pour resserrer nos liens d'amitié et comprendre ce qu'on est venu chercher ici....!

:-* :-* :-* :-*

Voici une page de mon précieux carnet, cette journée tient sur quelques lignes, mais ma tête est remplie de bien d'autres choses.... Voilà, j'espère ne pas vous avoir trop ennuyé avec mes histoires à rallonge, mais c'est le minimum que je puisse faire pour une telle journée de bonheur.  ;)




Pour finir, et essayer de donner un aperçu de l'ambiance fantastique des lieux, voici quelques images où se marient le ciel, la mer et le calcaire
SUNT VIRTUTIS RUPES ITER.....!

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cpg

<br />[move]en Abstinence tabagique depuis Fevrier 2008[/move]

Gand

rah, mais l'escalade de vitesse, c'est une honte !

y a un passage de la video de fred roulhing ou j'ai vraiment mal pour lui (lui aussi visiblement), quand il se retourne, en ne se tenant qu'avec deux doigts dans une prise toute ridicule ...

par contre, le deep water soloing, c'est marrant ! un peu comme fontainebleau, mais dans un cadre plus impressionnant !
<°)))><
Gand' alias Le Bleu
(avec une apostrophe à Gand' s'il vous plait !)

VRRRAAAZR7OUMMMM

olivier

#12
La vitesse, je trouve ça egalement impressionant

         "C'est en buvant n'importe quoi que l'on chope n'importe qui !"

dipediou

un profond respect pour tous ces poetes qui vivent des choses extraordinaires tout au long de leur passion, c'est le meilleur des moyen pour l'apprecier
Je sers la science, et c'est ma joie...enfin je crois...

pierô

Un peu de dépaysement ce soir, je vous emmène à Madagascar pour un bon bol d'air...

Cette vidéo est fort sympathique, ça transpire la bonne ambiance, le côté liberté et la pâix de l'âme...
L'escalade, c'est aussi cela...
Savoir regarder ce qui vous entoure, partir à la rencontre d'autres peuples, d'autres horizons, d'autres paysages, d'autres cieux...!

Il y a de belles images, du rocher fabuleux dans un endroit reculé et sauvage, une bande de potes qui part à l'aventure, chargés comme des mulets, et qui prennent leur pied à monter sur des cailloux...
En toute simplicité, sans fioriture, vivre la vie, respirer la liberté, écrire dans un carnet, prendre quelques photos, tourner un petit film, rire, marcher, boire, courrir, partager, souffrir, jubiler, pleurer, fermer les yeux, puis les ouvrir, le bonheur quoi...!



:-* :-* :-* :-* :-* :-*
SUNT VIRTUTIS RUPES ITER.....!

:V: Porte parole de ZR-7.ORG Canal historique... :V:

pierô

Tenez, je viens de retomber sur un de mes messages du bar, et je pense qu'il a plus sa place ici...
Donc je vous le donne en mille Emile...!  ;) :biggrin:



Ca me rappelle une certaine journée de Février, tout était blanc...
Nous avions passé la soirée au Plan d'Aups avec Raymond, mon compagnon de cordée des Calanques, dans l'espoir de faire à Bertagne, une voie sous la neige...
Une fois n'est pas coutume, la neige dans le sud, il fallait à tout prix en profiter...! Frustrés que nous étions de ne pas courir les Alpes d'un sommet à l'autre, nous avions convenu qu'une sortie à Bertagne par ce temps aurait quelque allure "d'hivernale"...
Et pour donner un peu d'authenticité à cette sortie, nous avions décidé de revivre l'épopée d'une voie ouverte en 1941 par Georges Livanos (dit "le Grec"), grimpeur émérite et talentueux, qui préférait à cette époque se cacher pour grimper plutôt que de faire la guerre aux Allemands...!

Comme lui, nous sommes donc partis en vélo de la Treille (aux portes des collines Marcel Pagnol), lourdement chargés en direction de Géménos, puis avons gravi ce fameux col de L'Espigoulier (plus facile à moto qu'en vélo, je vous l'assure...) jusqu'au plan d'Aups pour passer la nuit chez un ami...

Le lendemain, la blanche poudreuse avait tenu bon sur Bertagne, et les brouillards matinaux léchaient la paroi, lui donnant un aspect charmant et inquiétant... De grandes coulées fondues traversaient les dalles grises et laissaient présager des fissures bien humides.... La forêt de la Saint beaume rutilait sous les couleurs et le scintilement de la neige...
Bertagne est toujours très impressionnante... C'est la "paroi des parois" de provence... Sa hauteur, sa beauté et son charme tout particulier font rejaillir en moi des sensations incroyables chaque fois que je l'approche. Très raide, tout à fait verticale par endroits, voire déversante, cette face de 180 mètres de haut dévoile ses immenses plaques sans défaut, tout à fait lisses, d'un beau gris bien régulier...

Pour une mise en bouche et un échauffement dans les règles, nous jetons notre dévolu sur une voie que nous connaissons bien tous les deux, et qui longe notre objectif du jour... Ce qui nous permet d'estimer "de loin" les difficultés qui nous attendent... "La Directe" se passe sans soucis, nous l'avons gravie une bonne demi-douzaine de fois, et prenons un plaisir sans borne à poser délicatement nos pieds d'une fissure à l'autre, jusqu'au sommet, où une bise franche et glacée nous accueille... La vue est splendide par beau temps, mais les brouillards toujours présents nous empêchent de voir la mer... Tant pis, nous sommes bien chauds, et redescendons en rappel par la voie du "Jardin suspendu"...

Le temps d'une pause déjeuner, d'un petit thé brûlant grâce au réchaud que je n'ai pas oublié, et nous sommes prêts pour la suite...!

Notre voie du jour se nomme "Le Grand Pilier"...
Surplombant dans sa partie supérieure, il plonge d'un seul jet de 150 mètres dans le maquis de chênes situé à sa base. Le rocher gris bleuté, compact, est strié de fines fissures superficielles qui laissent espérer une progression.....jusqu'à mi-hauteur, où une longue diagonale peu engageante rejoint le dernier tiers du pilier et se perd sous un toit dont on ne distingue pas la sortie...!
A l'époque, ce pilier proposait un défi unique pour les grimpeurs provençaux...
Il est aujourd'hui encore très réputé, bien que très rarement gravi à cause de l'équipement "d'époque"!

Déjà mes mains sont moites, et mon coeur s'accélère à l'idée de livrer bataille dans cet océan de rocher... La neige qui coiffe le sommet et les brouillards persistants complètent ce cachet "aventure" et nous met l'eau à la bouche...
Nous échangeons un regard complice avec Raymond, et ne pouvons retenir un sourire... La joie de se retrouver là, dans un silence absolu, foulant le sol de cet endroit merveilleux....

Sans plus tarder, nous nous équipons et entamons avec appétit ce morceau de gâteau saupoudré de sucre glace...
Le pilier tient à sa solide réputation, et nous progressons lentement. L'équipement est vétuste, et les pitons rouillés nous incitent à la prudence... Les coinceurs sont de sortie, les fissures sont trempées, les mains glissent, les pieds sont glacés... Malgré tout, nous sourions, car nous savions que l'affaire ne se ferait pas sans effort, mais l'ambiance est extraordinaire... Ca y est, nous avons quitté le monde, nous voyageons comme des funambules sur le fil des fissures, loin de l'agitation humaine et désordonnée qui reigne "en bas"...

Mais Bertagne ne se laisse pas faire... Elle nous tend ses pièges, et le froid nous mord les mollets, accélérant la fatigue. Les passages sont beaux mais difficiles, et je finis par chuter dans la troisième longueur....sur un mauvais coinceur qui tient comme par magie...! L'émotion est intense, mon coeur bat la chamade et je cède ma place de premier à Raymond, pour qu'il tente à son tour de forcer le passage... Seconde chute, seconde émotion, second coinceur qui tient bon...! Ouf...!

Finalement, les heures s'écoulent et le pilier semble s'étirer vers le haut sans que nous en devinions l'issue... Le temps s'assombrit, les ombres s'étirent, et même sans montre, nous savons qu'il ne faut plus trainer.... Le jour décline déjà et le surplomb final nous nargue, quelques 30 mètres au dessus de nos têtes, sombre, gluant de neige fondue et déjà plongé dans une ombre glacée....
Puis d'un coup, le temps bascule.... Les brouillards sévanouissent, portés au loin par un vent aussi soudain que violent.... Le ciel s'obscurcit, et quelques minutes plus tard, nous sentons les premières gouttes qui martellent la paroi et gifflent nos visages.... Ca va mal...! Nous sommes pendus à 50 mètres de la sortie, avec 100 mètres de vide sous nos pieds, et à la vitesse où les nuages se purgent, nous n'auront pas le temps d'installer le premier rappel avant d'être trempés.....La retraite semble difficile, et la victoire nous est déjà interdite...Fort heureusement, il existe un peu plus bas dans la paroi, sur la voie "la Directe" dont j'ai parlé tout à l'heure, une anfractuosité ridicule, mais abritée de l'eau.... Ne voulant ni l'un ni l'autre se retrouver trempés, nous décidons de nous abriter dans cet abri naturel pour éviter la crève de l'année.... Grâce à un rappel improvisé sur deux pitons rouillés et un coinceur plutôt bon, nous descendons chacun notre tour d'une vingtaine de mètres, puis courons sur le rocher, en diagonale, tel un pauvre pendule accroché à sa ficelle, pour atteindre l'endroit tant convoité....
Nos efforts sont récompensés, et au bout de quelques minutes, nous sommes à l'abri... Un peu serrés, mais à l'abri...!

Et le ciel s'ouvre en deux, vomissant toute l'eau de ses nuages... Une averse sans nom, tellement violente, que de mini-cascades se forment sur la roche... Les fissures dégueulent de grandes trainées liquides qui noircissent le rocher.
Bertagne est rincée, et nous voilà coincés...! La nuit tombe, et nous sommes gelés...! Nous la voulions notre hivernale, nous sommes servis.... Et le vent redouble de violence...
Résignés et sans lumière, nous décidons simplement de passer la nuit sur place. Notre bon souper chaud se résume à quelques figues et trois biscuits mouillés. En guise de chauffage pour nos mains engourdies, Raymond parvient au bout de deux heures, à enflammer quelques branchettes, volées sur un petit pin prisonnier du rocher... Il a poussé ici par je ne sais quel astuce, mais ce soir, nous en aprécierons la ridicule chaleur...

La nuit fût longue, pendus sur nos cordages, les fesses endolories par l'espace exigu... Et c'est dans ce demi-sommeil que nous attendons l'aube.... Si "le Grec" nous voyait, il se paierait une bonne tranche de rire...!




Le lendemain matin, et malgré la fatigue, nous décidons de sortir du piège par "la Directe", étant donné que le pilier est impraticable vu sa difficulté et les fissures gorgées d'eau... Arrivés au sommet, nous n'échangeons aucune parole, d'ailleurs, nous ne parlons jamais beaucoup pendant nos escalades avec Raymond.... Un échange de regards suffit à tout se dire, et notre sourire en coin en dit bien davantage que n'importe quel mot...
Nous sommes heureux, ça se lit dans nos yeux... Même si notre aventure a quelque peu dévié de notre volonté, nous avons trouvé une fois de plus sur ce pic de Bertagne, la vie et les couleurs que nous recherchons tant.

Pour la petite histoire, nous sommes retournés dans "Le Grand Pilier" au printemps suivant, et nous lui avons fait sa fête, la boucle était bouclée....


Depuis cette nuit mémorable, chaque fois que je retourne à Bertagne avec mon cher Raymond, je revis ce fragment de vie intense, et nous le partageons...en silence...
Bertagne impose le respect, jamais je ne me lasserais de venir caresser ce doux rocher unique dont je suis amoureux.
SUNT VIRTUTIS RUPES ITER.....!

:V: Porte parole de ZR-7.ORG Canal historique... :V:

pierô

Allez, je résiste pas à l'envie de vous mettre cette photo... :-D :-D
Elle m'inspire beaucoup... :sifflet:

SUNT VIRTUTIS RUPES ITER.....!

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pierre6110


Kawasien

T'a fait de l'escalade avec TIM ou quoi  <D <D <D  :-D :sifflet:

Gand

Citation de: Kawasien le 30 Mars 2008 à 00:52:55
T'a fait de l'escalade avec TIM ou quoi  <D <D <D  :-D :sifflet:
tim il serait resté scotché au niveau du téton !
<°)))><
Gand' alias Le Bleu
(avec une apostrophe à Gand' s'il vous plait !)

VRRRAAAZR7OUMMMM


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