Voilà voilà, une petite bafouille pour vous mettre l'eau à la bouche, et faire regretter les frileux.
Le petit
ROAD BOOK qui va bien pour ceux qui seraient tentés...!
Durée du trajet : environs7h30...
Kilométrage : environs 400, mais plutôt moins...
Participants : Ben..... Pierô tout seul...
Je reste silencieux, seul devant mon café,
et mes yeux mal réveillés errent sans but à travers la fenêtre ruisselante.
Encore embué dans les délices de ma nuit, j'émerge doucement, me prépare mentalement.
Je suis déjà ailleurs, transporté par le cheminement qui m'attend aujourd'hui, je repasse dans ma tête tous les noms du trajet...
Une petite broutille en somme, je prévois au maximum un grand sept heures de route.
Je connais par coeur ce chemin, je l'ai fait tant de fois cet été.
Quelques montagnes à sauter, visions fugaces des vallées, une pluie de virages serrés, de grands océans de forêts...
Et alors, je serais arrivé.
Rien de plus simple... à dire, à écrire... Encore faut-il y aller !
Alors j'enfile le cuir, armure réglementaire pour aller au combat, sans oublier mon heaume sans quoi, c'est le trépas...!
Je suis tellement habitué à rouler, tellement impreigné de moto en ce moment,
que les gestes s'enchainent de manière naturelle.
Pourtant, il fait vilain. Le brouillard est épais pour une mise en jambes, mais je suis vite à l'aise
sur ces routes détrempées. Bientôt, je quitte Genève et sa grisaille triste, le moteur est bien chaud, l'histoire peut commencer...!
Encore ce brouillard bien-sûr, mais la pluie s'en mêle, ça met dans le bain.
Je sais qu'il me faut grimper pour quitter cette fange humide, les prévisions annoncaient pas si mauvais pourtant.
Bref, pas de soucis, je suis là, le sourire au lèvres, le regard rieur et l'esprit serein, et j'attaque les Etroits les Evaux avec grand enthousiasme. Juste au moment où les premiers morceaux de paysage se dévoilent...
A travers les grands bois, le Borne file et louvoie,
pour se mêler plus bas aux eaux du lac Léman et au Rhône géant.
A coup de gaz parcimonieux, je grimpe dans cette vallée étroite et encaissée. Les travaux de l'automne forcent à quelques arrêts, et c'est à nouveau brouillard avant le premier col. Pas de chance, le paysage se ferme...
Tant pis pour vous, vous n'aurez pas la vue. La chaîne des Aravis est pourtant magnifique lorsqu'elle n'est pas drapée.
Raté pour aujourd'hui, il faudra patienter.
Bon, je vous colle le RB, ça mange pas de pain, et c'est toujours plus explicite qu'une photo de brouillard.
Au moins, vous saurez par où je suis passé...!!
Jusqu'en bas des Saisies, le brouillard sévit. Parfois mêlé de pluie, c'est pas joli joli.
Mais j'me régale quand-même, la moto tourne bien, le moteur ronronne comme un gros chat au ralenti
et je me sens bien...! Les gants chauffants sont un bonheur, la chaleur irradie le long de mes doigts et remonte sur les bras.
Que c'est bon...!!! Faut juste être prudent. Pas de grosse folie, descendre les cols sans mettre trop de frein, gérer un peu la glisse sur les gaz en sortie d'épingles et tout se passe bien.
Comme on dit souvent, le mouillé, c'est dans la tête. Bah moi, j'y crois pas tellement hein, faut mieux rester tranquille, prendre son temps même si le chemin est encore long, et profiter des mauvaises conditions pour se préparer à la mauvaise saison.
Mais pas de bol, juste au moment ou je bénis la pluie, elle cesse...!!
Pas possible....je rêve.... Mais non, c'est bien ça. Même le brouillard semble filer un mauvais coton,
et à travers ses filasses drapées, je commence à y voir, enfin...!
C'est l'occasion de faire une petite halte, ça tombe bien, ya des copines en bord de route, juste pour papoter.
Timidement, les brumes s'élèvent et je peux enfin respirer. Les vraies couleurs de l'automne se dévoilent en descendant du Cormet de Roselend.
Comme chaque fois que je passe ici, j'ai une pensée pour Shot74, qui aime ce coin pour taquiner la truite à la belle saison.
La descente me colle la banane sous le casque, banane qui d'ailleurs, ne me quittera plus jusqu'à l'arrivée.
Les volutes de nuages donnent toute leur mesure aux reliefs, et les montagnes se dévoilent dans un festival de formes et de couleurs.
La palette du peintre est impressionnante, variée, pétillante, vivifiante, pénétrante.
Bref, vous m'avez compris, je me prend un panard terrible...!!
Mais la montagne, c'est comme la drogue, la descente est rude...
Et lorsque la vallée s'élargit vers Bourg St Maurice, j'ai le vague sentiment d'un pincement au coeur,
une sorte d'inquiétude, ou plutôt de tristesse, à l'idée de rejoindre le monde "d'en bas"...
J'ai souvent cette même impression lorsque je rentre d'une journée d'escalade. Le retour est pénible toujours à reculons...
Mais c'est loin d'être fini, et dès la sortie du guêpier urbain, je retrouve bien vite les virolos qui mènent à Val d'Isère.
Désolé les aminches, j'ai même pas pris le temps de vous faire une image du lac de Tignes, OUPS...!
Oui mais bon, comprenez moi, c'est déjà surhumain pour moi de m'arrêter tous les trois virages pour sortir l'appareil, alors n'en demandez pas trop hein. J'ai déjà fais tous ces clichés rien que pour vous, n'en réclamez pas...!
Chemin faisant, je jubile.
En effet, les connaisseurs sauront pourquoi, car que trouve t-on au dessus de Val d'Isère...?
Hein, qu'y a t-il de particulier à la frontière du merveilleux parc de la Vanoise que je m'apprête à dévorer...?
Je vous l'donne en mille Emile : le col de L'Iseran...!!
Et c'est un heureux hasard, en dépit de ce ciel encore chargé, le bitume est sec...... Ca y est, je bande.
On va pouvoir sortir un peu la grosse artillerie (on se moque pas du Versys et de ses 65 canassons hein...)
et bouffer de la gomme dans les épingles...!
Et vas-y que je fais ronfler le moulin, et paf, le grand droit qui passe sur le pont de St Charles,
suivi des deux épingles pour monter sur la bute. Puis une longue envolée me fait prendre 200 mètres d'un coup
juste à temps pour choper les freins de la troisième épingle. BROOOAP, on passe la deux !
Ca y est, ch'uis chaud là, ça va saigner...!!
Et ça balance à gauche, et shriiiik le repose pied, et ça balance à droite, BRAAAAP, sur le couple.
Puis je visse la poignée, fond de trois, fond de quatre, le vent fouette le visage, je me fais un peu secouer
sur les bosses.....ça bouge, dérape un chouille....pas grâve, je visse.
Coup d'oeil au compteur, hop, 160....Chope les freins, épingle en vue...!
Et ça continue, c'est le festival du virolo en folie, sonate pour guitare saturée en sol majeur,
sec le sol, sec et du bon grip mon gars, tu peux tartiner ça tient l'pavé...!!
(...)
D'un coup, j'ai une pensée pour vous tous...Merde, et les tofs....!!
Chope les freins, gare toi vite fait, laisse tourner le moteur, clic clac c'est dans la boite,
saute en selle et c'est reparti, pas l'temps de mollir, ni de ramollir....!
J'ai les yeux rouges et la bave aux lèvres, un vrai ours au stade ultime de la rage, c'est trop bon.
Hum, houlà, je m'emballe on dirait...
Bon, on va calmer le jeu, faudrait pas arriver trop vite à destination. Pierô, t'es là pour profiter,
personne sur la route, t'es seul au monde face à une nature exubérante et tellement extraordinaire,
alors STOP...! On se pose pour quelques photos, ça fera plaisir aux gens du fofo.
(mais si, tous ces malheureux motards qui habitent le Nord, la Manche, ou même pire, la Belgique.)
Laissez tout tomber, votre boulot, votre stress et vos soucis, abandonnez la vie et venez boire
un coup de ciel au pays des rêves... Venez vous saouler de couleurs, venez écouter le silence incroyable de la montagne déserte.
Approchez vous du vide et laissez vous happer par notre bonne vieille Terre, laissez vous pénétrer par l'indicible ivresse de l'altitude et des sommets.
Cette grande bouffée d'air frais a mis à mal ma rage, et c'est tout cotoneux que je remonte en selle.
Les poumons gorgés de fraicheur, le corps repu de nature, je termine la montée sur un rythme plus tranquille.
Mais c'est un nouveau coup au coeur qui m'étreint, lorsqu'au détour d'un gauche un peu foireux,
je découvre l'Iseran, tout enveloppé de neige.
C'est la montée des marches... je me prend pour un roi, gravissant un à un les degrés du summum,
Le ruban de bitume se déroule sur un drap, d'un blanc trop éclatant pour qu'on ose y marcher.
Bon OK, je m'arrête : séance photos....
Je reste un bon moment ici, le corps tendu vers la grandeur qui m'entoure. Je me ressource,
je charge les batteries, j'aspire en silence toute l'énergie qui se déverse en ce lieu magnifique.
Je n'ai pas trop les mots pour décrire l'instant, il faut le vivre, c'est tout.
Demandez à un coureur de décrire sa victoire, il en est incapable.
Essayez d'imaginer le bonheur d'une médaille, en vain si elle n'est pas vôtre.
Approchez vous de votre écran, plus près encore, plus près....!
Vous voyez, vous n'y êtes pas, jamais vous ne saurez à quel point c'était bon....!
Il est des choses qu'il faut vivre pour les sentir, les ressentir et ne pas les oublier.
Il est des choses de la vie qu'il ne faut pas rater, les boire et digérer pour qu'elles finissent en vous.
Je pense que les gens qui s'émerveillent sont prêts à être heureux.
Les gens qui enfin, ouvrent leurs yeux et leur coeur aux choses de la nature, peuvent passer la porte
et changer à jamais à l'intérieur d'eux-même.
On ne regarde plus la vie de la même manière lorsqu'on regarde, enfin, autour de soi.
Bref, le second shoot de la journée a été fort, que dis-je, bien costaud...!
Une dose pareille va avoir du mal à passer, je vais jamais pouvoir redescendre dans la vallée.
Mais il le faut pourtant, et c'est presque à regret que je redémarre mon petit moulin bien vaillant.
J'ai une petite consolation tout de même.
Là-bas, tout au fond, après quelques dizaines de courbes dont je tairais la perfection,
se niche un des plus beaux villages de montagne que je connaisse : Bonneval sur Arc.
Un petit bijou....
Bon, l'heure tourne nom d'une pipe... Le temps ne passe jamais aussi vite que lorsque je roule.
Ca me fait ça à chaque coup bordel, c'est injuste...
Du reste, une fois passé Bonneval, il me faut avaler un joli morceau très roulant pour rejoindre
le reste du programme.... Vous avez deviné, c'est pas fini hein.
Pas d'images pour cette portion, de toute façon, j'avais dit : pas de photos sous les 1500 m... NA.
Donc, la descente se poursuit plein badin vers les Hautes-Alpes, et c'est avec peine que je quitte cette merveille de Vanoise.
De grandes courbes rapides, c'est pas la tasse de thé du Versys, mais il s'en sort bien.
J'avoue que là dedans, un bon expresso hypersport bien serré serait plus avenant mais bon, faisons pas la fine bouche et profitons encore du paysage.
Nan, n'insistez pas, j'ai dit pas de photos... Z'avez qu'à aller sur place pour voir si c'est beau.